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La hiérarchie des normes a été théorisé par Hans Kelsen, en 1934, dans son ouvrage La théorie pure du droit.
Hans Kelsen est un juriste et théoricien du droit, autrichien, il est né à Prague dans l’empire austro-hongrois. Il était professeur de droit.
En 1929, il est forcé de quitter son enseignement car de confession juive, il fuit l’Autriche et il part aux États-Unis. C’est une figure inspirante pour le droit contemporain en Europe, il est à l’origine d’un courant de jus positivisme, qui s’appelle le normativisme. Le normativisme consiste à vouloir étudier les normes juridiques de la manière la plus scientifique et objective possible. L’objectif est de faire du droit une véritable science, il faut selon lui retirer tous les éléments qui sont extras juridiques ou métaphysiques (=religion, morale, politique).
Il est en tout point opposé au jusnaturalisme qui au contraire intègre ses éléments dans sa réflexion juridique. Pour Hans Kelsen, la science du droit doit être en quelque sorte pure. C’est dans son ouvrage La théorie pure du droit, qu’il élabore cette thèse. Le droit est pour lui un pur produit de l’homme, il est imposé par les sociétés et le juriste doit se limiter à étudier les normes sans jugement de valeur. Il contribue à la création d’un contrôle de constitution et devient président de la première Cour d’Autriche. Dans son ouvrage Kelsen va théoriser la hiérarchie des normes, il y a des normes de différents niveaux, hiérarchiquement ordonnées.
Qu’est ce que la théorie de la hiérarchie des normes ?
Il s’agit pour Kelsen, d’expliquer: comment résoudre des conflits entre normes ? Comment déterminer, entre 2 normes juridiques contraires, laquelle est plus importante que l’autre ? Ce conflit créer une contradiction logique. Kelsen veut faire du droit une science rationnelle et logique, il faut trouver un moyen de résoudre les conflits de normes.
La création d’une hiérarchie de normes est une solution car si le système juridique est hiérarchisé et que l’une des deux normes est en conflit l’autre, la solution sera toujours de choisir la norme la plus importante.
Un autre problème est celui de la validité: une norme est valide parce qu’elle tire sa validité de la norme qui lui est supérieure. Mais se pose alors le problème de sa régression à l’infinie, c’est un problème classique de logique, il faut alors une norme qui fonde la validité de toutes les normes.
Dans la théorie de Kelsen, le fondement de la validité de l’ordre juridique est la Constitution: c’est la norme suprême. La Constitution tire sa validité du principe de présupposé de celle-ci. On suppose que la Constitution est valide.
On fait comme si elle l’était, c’est un postulat théorique, on ne peut pas totalement l’expliquer mais on peut l’observer.
Dans les États modernes, on se comporte comme s’il existait une norme qui disait que la Constitution était valide. Autrement on tombera dans une sorte d’anarchie. Ce postulat théorique est appelé la norme fondamentale par Kelsen, elle fonde la validité de la Constitution, qui elle-même fonde la validité de tout le reste du système.
C’est la norme la plus élevée dans la hiérarchie et cette suprématie est visible par l’auteur de la Constitution : le pouvoir constituant ( le peuple est le souverain en démocratie). On distingue les pouvoirs constituants des autres pouvoirs qui sont créés par la Constitution elle-même. Le peuple est un pouvoir constituant et les pouvoirs constitués sont tous les pouvoirs mis en place par la Constitution.
Sieyès, est l’auteur de cette distinction de pouvoir constituant et pouvoirs constitués, elle contribue à expliquer la suprématie de la Constitution car le pouvoir créateur est supérieur au produit de sa création.
Explication moderne de la théorie
Le bloc de Constitutionnalité
Sous la cinquième république, la hiérarchie des normes est constituée dans le premier étage par celui de la Constitution. En France, le bloc de constitutionnalité est au sommet de l’ordre juridique. C’est un ensemble de normes et de principes de droit de valeur constitutionnelle. L’ensemble de ces dispositions doit être respecté par les lois. Dans le bloc de constitutionnalité on retrouve la Constitution, la déclaration de l’Homme et du Citoyen de 1789, le préambule de la Constitution de 1946 et la Charte de l’Environnement adoptée en 2004.
On retrouve également des documents à valeur jurisprudentielle. Avec des principes de différentes catégories comme les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Comme par exemple, le principe d’indépendance des professeurs d’Université, de 1984 ou comme la justice spéciale pénale pour les mineurs.
Le bloc de conventionalité
La place des normes supra législatives est controversée et très complexe, notamment pour le droit européen. Du point de vue des traités, il est supérieur au droit des États membres, c’est le principe du droit de l’Union sur les pays souverains. Dans la Constitution française, le droit européen n’est pas supérieur à la Constitution française. Car l’Union Européenne a été inscrite dans la Constitution de 1958, c’est le titre 1 De l’Union Européenne. Mais l’article 54 de la Constitution lui prévoit que si un traité européen ou international est contraire à la Constitution soit il n’est pas ratifié soit il faut réviser la Constitution pour la rendre conforme au traité.
Ce fut le cas pour le traité de Maastricht, en 1992 (pour la libre circulation dans l’Union Européenne). Pour pouvoir le ratifier, il a fallu réviser la Constitution française. La question reste ambiguë : qui est supérieur entre la Constitution et le droit de l'Union européenne ? Cela dépend du point de vue. S’il est du côté international alors la Constitution est supérieure, si c’est un de vue de l’Union européenne alors le traité est supérieur à la Constitution des pays membres. Le droit supranational est supérieur à la loi française.
Le bloc de légalité
Le bloc de légalité est composé des lois organiques, ordinaires et référendaires ainsi que des ordonnances et les ordonnances prises par l’article 38 de la Constitution.
La loi est l’expression de la voie du peuple, c’est un pouvoir législatif. On peut distinguer au moins 2 types de loi selon leur contenu : les lois organiques, ce sont des lois que l’on reconnait par rapport à leur contenu, elles précisent les articles de la Constitution, il faut une référence explicite dans la Constitution, elles suivent la procédure normale. Toutes les autres lois sont des lois ordinaires, ce sont toutes des lois adoptées par le Parlement et qui concernent la liste des matières : le domaine de la loi. On le trouve dans la Constitution française, article 34. La loi doit être conforme aux traités et à la Constitution. Toute loi du Parlement français doit être conforme aux traités internationaux.
Les ordonnances sont des actes normatifs particuliers, ils sont pris par le gouvernement ce n’est donc pas la voie du peuple. Exceptionnellement sur un domaine qui relève de la compétence du législateur, le Parlement autorise le gouvernement à décider à sa place sur un sujet déterminé et pour une période déterminée. Normalement la matière en question devrait faire l’objet d’une loi mais en général l’urgence pousse le parlement a donner au gouvernement le choix. S’il y a une ratification par le parlement alors l’ordonnance devient une loi. L’ordonnance a donc un statut hybride, pendant son délai de validité alors les actes sont réglementaires. Si l’ordonnance est ratifiée par le parlement alors elle prend une valeur législative, elle monte d’un niveau et se retrouve avec celui de la loi. Dans les critiques faites sur les ordonnances : la question des séparations des pouvoirs.
Les lois organiques: elles sont prises par le Parlement pour l’organisation des pouvoirs publics. Elles modifient ou complètent la Constitution et sont soumises à une procédure particulière d’adoption.
Les lois ordinaires sont les lois classiques adoptées par le Parlement.
Les lois référendaires sont adoptées par référendum, selon l’article 11 de la Constitution.
Les ordonnances de l’article 38 de la Constitution sont prises par le Gouvernement grâce à une loi d’habilitation du Parlement. Il autorise le Gouvernement à faire une loi dans un domaine restreint. Elles sont signées par le Président de la République après délibération en Conseil des ministres. Elles permettent au gouvernement de mettre en œuvre son programme. Puis elle est ratifiée par le Parlement qui lui donne une valeur législative.
Les principes généraux du Droit
Principes généraux du Droit: ce sont des règles non écrites de portée générale. Ils ne sont pas formulés dans les textes mais consacrés par le juge puis imposés à l'administration dans plusieurs domaines.
Le bloc réglementaire, actes réglementaires: les règlements
Ce bloc est composé de décrets, arrêtés, circulaires, règlements autonomes et d'application.
Ce sont des dispositions normatives prises par les autorités administratives et qui relèvent du pouvoir exécutif. On trouve différents types de règlement, en fonction de l’autorité administrative qui les prend. Parmi les règlements, il y a les décrets, ce sont des règlements pris par le Président de la République ou le Premier ministre, à un niveau national. Il y a les arrêtés, tous les ministres peuvent en prendre, les préfets aussi ainsi que les maires, il a une portée géographique différente. Par exemple ceux des ministres ont une application nationale, ceux des maires ont une portée local et les arrêtés préfectoral ont une portée sur les départements. Il y a une hiérarchie de règlement entre les niveaux géographiques. Tous les règlements doivent être conformes à la loi. Il faut savoir s’ils sont individuels (personnes identifiable) ou généraux et impersonnel (tout le monde).
Certains ajoutent à la base de cette hiérarchie: les circulaires. Ce sont des actes qui expliquent un texte législatif réglementaire. Selon la juridiction concernée, une circulaires n’a pas la même valeur, par exemple: pour le juge judiciaire, les circulaires n’ont pas de valeur
Comment garantir le respect de la Constitution ?
Contrôler le respect de la Constitution permet de garantir la sécurité juridique et le principe de hiérarchie des normes. Il faut donc un contrôle du respect de la hiérarchie des normes et cela à tous les niveaux de la hiérarchie. De manière générale, ce sont les juges, les tribunaux et les cours qui ont la charge de vérifier le respect de la hiérarchie.
Il existe plusieurs façons de contrôler le respect de la Constitution:
le contrôle de constitutionnalité,
le contrôle de conventionalité ,
le contrôle de légalité.
Le contrôle de constitutionnalité permet de vérifier la conformité d’une norme à la Constitution et au bloc de constitutionnalité. Il permet de vérifier que les normes inférieures respectent la norme supérieure. On contrôle a priori les traités internationaux, avant de les ratifier. On contrôle la constitutionnalité de 2 façons: a priori, prévu pour l’article 61 de la Constitution (par le Conseil constitutionnel) ou a posteriori selon l’article 61-1 de la Constitution (QPC). Ce contrôle est né aux Etats-Unis avec l'arrêt Marbury contre Madison.
Le contrôle de conventionalité permet de vérifier la conformité des lois avec le bloc conventionnel. Ce contrôle est exercé par la Cour de cassation et le Conseil d’Etat.
Le contrôle de légalité permet de vérifier la conformité des règlements et des actes administratifs avec les lois.
Quels sont les apports et les limites du contrôle de constitutionalité ?
Ce contrôle ne s’est pas diffusé rapidement dans le monde, notamment en France à cause d’une philosophie typiquement française. C’est une philosophie de la loi de Jean Jacques Rousseau, dans son ouvrage, Le contrat social. Il définit la loi comme étant l’expression de la volonté générale. La volonté du peuple s’exprime à travers la loi. Cette thèse on la retrouve à l’identique dans l’article 6 de la DDHC, “La loi est l’expression de la volonté générale”. A partir de la Révolution française, la loi est sacralisée, on peut même parler d’un culte de la loi, car elle exprime la volonté du peuple.
Ceci explique la grande réticence à contrôler la loi. On s'imagine mal aller contre la volonté souveraine du peuple. Cela parait peu démocratique.
Ce qui fait qu’il n’y aura pas de contrôle de constitutionnalité en Europe. Après la Seconde Guerre Mondiale, on assiste à la désacralisation de la loi, les régimes totalitaires font apparaître une idée : le législateur n’est pas infaillible, il peut utiliser la loi à des fins d’oppression du peuple (à travers la loi il a été possible de supprimer la démocratie, de discriminer une minorité, d’éliminer certains droits fondamentaux, de mettre en place la censure en supprimant ainsi la liberté d’expression).
Il en ressort une nouvelle idée, il faut utiliser la Constitution pour se protéger d’éventuelles lois liberticides, les citoyens doivent pouvoir demander à un juge de déclarer la loi contraire aux droits fondamentaux, que la Constitution protège. La constitution est utilisée pour garantir la Démocratie.
On identifie beaucoup de critique au contrôle de constitutionnalité. Selon Edouard Lambert, dans son livre le Gouvernement des juges. En parlant des Etats-Unis en faisant référence au contrôle de constitutionnalité, qui donne beaucoup trop de pouvoirs aux juges. Son argument est celui du pouvoir d’interprétation de la loi : les juges possèdent le pouvoir d'interpréter la loi lorsqu’il font le contrôle de constitutionnalité. Le problème résulte qu’ils détiennent le pouvoir politique, seulement les juges ne sont pas élus par le peuple, ils sont nommés et pas élus par en tant que représentants du peuple américain. Ils n’ont pas de légitimité pour avoir autant de pouvoir politique.
Une limitation du contrôle de constitutionnalité concerne l’accès à la justice constitutionnelle, qui peut être limité selon les pays. En France, il est très largement limité par la difficulté d’accès car il ne peut être demandé que par les principales autorités gouvernementales, par voie d’action. Le contrôle a posteriori, pour transmettre une QPC, il fout devant des juges (des filtres), les juridictions qui vont filtrer les questions posées et seulement une petite partie jugée pertinente va arriver au Conseil Constitutionnel. La Cour allemande et le tribunal espagnol ont un accès direct, les citoyens peuvent demander le contrôle de la loi.