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Phase brouillon ou comment lire et disséquer un arrêt !
Phrase d’accroche : L’arrêt étudié est relatif à la liberté d’expression et à des propos qualifiés de diffamatoires.
Faits (n°1) : Un message émis sur Twitter énonce des propos sexistes attribués à l’ex directeur d’une chaîne TV. Ce message est publié sur le compte Twitter de la société ABSM, alors administré par une journaliste indépendante. Ce message énonce entre guillemets les propos tenus par l’ex directeur auquel il annexe le mot-dièse « #balancetonporc ».
Procédure : S’estimant victime de diffamation, l’ex directeur de la chaîne TV assigne la société ABSM et la journaliste indépendante pour obtenir réparation (n°1).
• 1ère instance: L’une des parties interjette appel d’un jugement dont on ignore les moyens, le sens et les motifs.
• Cour d’Appel
Date/lieu/sens : la cour d’appel de Paris rend un arrêt du 31 mars 2021 (n°1). Elle déboute l’homme dont la réputation est mise en cause par le tweet (n°2 ML fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes).
Motifs (n°5,6 et 7) : La cour d’appel retient d’une part, que le tweet contribue à un débat d’intérêt général sur la dénonciation de comportements à connotation sexuelle non consentis de certains hommes vis-à-vis des femmes et de nature à porter atteinte à leur dignité. Elle relève d’autre part que l’ex directeur avait déjà reconnu avoir tenu les propos qui lui étaient attribués par le tweet. Elle retient par ailleurs que le tweet a seulement pour finalité de dénoncer les agissements de l’ex directeur qu’il ne contient pas l’imputation d’un délit ou d’autres faits litigieux à l’égard d’autres victimes.
Enfin, elle estime que, même si les termes « balance » et « porc » sont outranciers, ils sont suffisamment prudents. Par l’ajout du mot-dièse « balancetonporc » aux propos attribués à l’ex directeur, les internautes sont en mesure de se faire une idée personnelle sur son comportement et de débattre du sujet en toute connaissance de cause. La cour d’appel en conclu que le tweet repose sur une base factuelle suffisante et qu’il demeure mesuré. De ce fait, le bénéfice Par conséquent, la cour d’appel accore le bénéfice de la bonne foi à la journaliste indépendante qui administre le compte Twitter.
• Pourvoi (n°2 -1°/2°/3°/4°/5°)
L’arrêt lui étant défavorable, l’ex directeur forme un pourvoi en cassation à l’appui d’un moyen unique divisé en cinq banches.
Dans la première branche, l’auteur du pourvoi reproche à la cour d’appel de Paris d’avoir violé l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales et les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881. Il lui fait grief d’avoir mal apprécié l’existence d’une base factuelle suffisante. En effet, selon le pourvoi, la cour d’appel a scindé le tweet en deux lorsqu’elle a procédé à l’examen de critère. Elle ne se serait intéressée qu’aux propos attribués au demandeur, sans prendre en compte le mot-dièse « #balancetonporc ».
Dans la seconde branche, le demandeur au pourvoi reproche à la cour d’appel d’avoir violé les mêmes articles, toujours en raison de son appréciation de la base factuelle. En effet, le tweet litigieux tend à dénoncer un comportement de « porc » et de « harceleur ». Or, les propos rapportés ne caractérisent pas ce harcèlement : avoir des propos déplacés une fois ne fait pas nécessairement de leur auteur un harceleur. Le harcèlement implique un comportement général et répétitif, et à cet égard, une base factuelle suffisante n’était pas établie.
Dans la troisième branche, l’auteur du pourvoi reproche à la cour d’appel d’avoir privé sa décision de base légale, en s’abstenant totalement d’examiner des pièces qu’il avait produites.
Dans la quatrième branche, l’auteur du pourvoi reproche à nouveau à la cour d’appel d’avoir violé l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés individuelles et les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881. Il estime que les termes « balance » et « porc » ne sont pas suffisamment prudents, compte tenu de la qualité de journaliste professionnel de leur auteur, du caractère nécessairement bref et sans nuance des tweets, et que les propos rapportés ne permettent pas d’affirmer avec certitude que l’ex-directeur est coutumier de ce genre de comportement. L’auteur du pourvoi critique aussi le motif de la cour d’appel selon lequel la seule limite de la dénonciation serait qu’elle ne soit pas mensongère, en le considérant comme erroné. De plus, selon le pourvoi, le motif faisant référence à l’existence parallèle d’un débat d’intérêt général sur la libération de la parole des femmes est inopérant.
Dans la cinquième branche, le pourvoi fait grief à la cour d’appel d’avoir violé l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Selon lui, l’exactitude partielle des faits dénoncés n’était pas le seul critère à prendre en compte. Cette exactitude ne saurait justifier la publication des propos plus de cinq après qu’ils aient été tenus, auxquels était jointe une accusation d’être un porc dans un tweet bref et sans nuance se situant volontairement dans un cadre général de dénonciation des comportements de harcèlement.
• Cour de Cassation (n°3, 4 et 8)
Date/sens : Par un arrêt du 11 mai 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi. Motifs :
Dans un premier temps, la cour de cassation mentionne les règles relatives aux atteintes à la liberté d’expression et plus spécialement à la diffamation. Elle déduit des articles 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 29 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse que la liberté d’expression ne peut être restreinte que dans le cadre de mesures nécessaires au regard du deuxième paragraphe de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Puis elle expose la méthode retenue pour apprécier l’excuse de bonne foi invoquée par le défendeur au pourvoi. En principe, les quatre critères à examiner sont l’existence d’un but légitime, l’absence d’animosité personnelle, l’appui sur une enquête sérieuse ainsi que la prudence et la mesure de l’expression. Toutefois, en application du deuxième paragraphe de l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme, le juge doit aussi rechercher si les propos s’inscrivent dans le cadre d’un débat d’intérêt général et s’ils reposent sur une base factuelle suffisante. S’il constate que ces deux conditions sont réunies, le juge peut amors apprécier moins strictement les quatre premiers critères, notamment l’absence d’animosité personnelle et la prudence dans l’expression.
Dans un second temps, après l’énoncé de ces règles et avoir repris les motifs de la cour d’appel, la Cour de cassation indique que la cour d’appel a bien analysé le sens et la portée de l’ensemble du message incriminé. Elle ajoute que la cour d’appel a mis en balance les intérêts en présence, ce qui évoque un contrôle de proportionnalité1 . La Cour de cassation précise aussi que la cour d’appel n’était pas tenue de se prononcer sur des pièces que ses constatations rendaient inopérante.
Enfin, la Cour de cassation estime que la juridiction du second degré a, à bon droit2 , déduit que les propos incriminés reposent sur une base factuelle suffisante et demeurent mesurés de sorte que le bénéfice de la bonne foi doit être reconnu à la journaliste indépendante.
• Question juridique soulevée par l’arrêt ?
Comment apprécier la bonne foi de l’auteur d’une dénonciation de comportements sexistes publiée sur les réseaux sociaux dans le cadre d’une action en diffamation ?
Ce que vous devez rédiger sur votre copie
L’arrêt étudié est relatif à la liberté d’expression et à des propos qualifiés de diffamatoires.
Un message émis sur Twitter énonce des propos sexistes attribués à l’ex directeur d’une chaîne de télévision. Ce message est publié sur le compte twitter de la société ABSM, compte administré par une journaliste indépendante. Ce message énonce entre guillemets les propos tenus par l’ex directeur auquel il annexe le mot-dièse « #balancetonporc ».
S’estimant victime de diffamation, l’ex directeur de la chaîne de télévision assigne alors la société ABSM et la journaliste indépendante pour obtenir réparation.
L’une des parties interjette appel d’un jugement dont on ignore les moyens, le sens et les motifs.
La cour d’appel de Paris rend un arrêt du 31 mars 2021. Elle déboute l’homme dont la réputation est mise en cause par le tweet.
Elle retient d’une part, que le tweet contribue à un débat d’intérêt général sur la dénonciation de comportements à connotation sexuelle non consentis de certains hommes vis-à-vis des femmes et de nature à porter atteinte à leur dignité.
Elle relève d’autre part que l’ex directeur avait déjà reconnu avoir tenu les propos qui lui étaient attribués par le tweet. Elle retient par ailleurs que le tweet a seulement pour finalité de dénoncer les agissements de l’ex directeur qu’il ne contient pas l’imputation d’un délit ou d’autres faits litigieux à l’égard d’autres victimes. Enfin, elle estime que, même si les termes « balance » et « porc » sont outranciers, ils sont suffisamment prudents. Par l’ajout du mot-dièse « balancetonporc » aux propos attribués à l’ex directeur, les internautes sont en mesure de se faire une idée personnelle sur son comportement et de débattre du sujet en toute connaissance de cause. La cour d’appel en conclu que le tweet repose sur une base factuelle suffisante et qu’il demeure mesuré. De ce fait, le bénéfice Par conséquent, la cour d’appel accore le bénéfice de la bonne foi à la journaliste indépendante qui administre le compte Twitter.
L’arrêt lui étant défavorable, l’ex directeur forme un pourvoi en cassation à l’appui d’un moyen unique divisé en cinq banches.
Dans la première branche, l’auteur du pourvoi reproche à la cour d’appel de Paris d’avoir violé l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales et les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881. Il lui fait grief d’avoir mal apprécié l’existence d’une base factuelle suffisante. En effet, selon le pourvoi, la cour d’appel a scindé le tweet en deux lorsqu’elle a procédé à l’examen de critère. Elle ne se serait intéressée qu’aux propos attribués au demandeur, sans prendre en compte le mot-dièse « #balancetonporc ».
Dans la seconde branche, le demandeur au pourvoi reproche à la cour d’appel d’avoir violé les mêmes articles, toujours en raison de son appréciation de la base factuelle. En effet, le tweet litigieux tend à dénoncer un comportement de « porc » et de « harceleur ». Or, les propos rapportés ne caractérisent pas ce harcèlement : avoir des propos déplacés une fois ne fait pas nécessairement de leur auteur un harceleur. Le harcèlement implique un comportement général et répétitif, et à cet égard, une base factuelle suffisante n’était pas établie.
Dans la troisième branche, l’auteur du pourvoi reproche à la cour d’appel d’avoir privé sa décision de base légale, en s’abstenant totalement d’examiner des pièces qu’il avait produites.
Dans la quatrième branche, l’auteur du pourvoi reproche à nouveau à la cour d’appel d’avoir violé l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés individuelles et les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881. Il estime que les termes « balance » et « porc » ne sont pas suffisamment prudents, compte tenu de la qualité de journaliste professionnel de leur auteur, du caractère nécessairement bref et sans nuance des tweets, et que les propos rapportés ne permettent pas d’affirmer avec certitude que l’ex-directeur est coutumier de ce genre de comportement. L’auteur du pourvoi critique aussi le motif de la cour d’appel selon lequel la seule limite de la dénonciation serait qu’elle ne soit pas mensongère, en le considérant comme erroné. De plus, selon le pourvoi, le motif faisant référence à l’existence parallèle d’un débat d’intérêt général sur la libération de la parole des femmes est inopérant.
Dans la cinquième branche, le pourvoi fait grief à la cour d’appel d’avoir violé l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Selon lui, l’exactitude partielle des faits dénoncés n’était pas le seul critère à prendre en compte. Cette exactitude ne saurait justifier la publication des propos plus de cinq après qu’ils aient été tenus, auxquels était jointe une accusation d’être un porc dans un tweet bref et sans nuance se situant volontairement dans un cadre général de dénonciation des comportements de harcèlement.
Comment apprécier la bonne foi de l’auteur d’une dénonciation de comportements sexistes publiée sur les réseaux sociaux dans le cadre d’une action en diffamation ?
Par un arrêt du 11 mai 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi. Dans un premier temps, la cour de cassation mentionne les règles relatives aux atteintes à la liberté d’expression et plus spécialement à la diffamation. Elle déduit des articles 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 29 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse que la liberté d’expression ne peut être restreinte que dans le cadre de mesures nécessaires au regard du deuxième paragraphe de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Puis elle expose la méthode retenue pour apprécier l’excuse de bonne foi invoquée par le défendeur au pourvoi. En principe, les quatre critères à examiner sont l’existence d’un but légitime, l’absence d’animosité personnelle, l’appui sur une enquête sérieuse ainsi que la prudence et la mesure de l’expression. Toutefois, en application du deuxième paragraphe de l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme, le juge doit aussi rechercher si les propos s’inscrivent dans le cadre d’un débat d’intérêt général et s’ils reposent sur une base factuelle suffisante. S’il constate que ces deux conditions sont réunies, le juge peut alors apprécier moins strictement les quatre premiers critères, notamment l’absence d’animosité personnelle et la prudence dans l’expression. Dans un second temps, après l’énoncé de ces règles et avoir repris les motifs de la cour d’appel, la Cour de cassation indique que la cour d’appel a bien analysé le sens et la portée de l’ensemble du message incriminé. Elle ajoute que la cour d’appel a mis en balance les intérêts en présence, ce qui évoque un contrôle de proportionnalité. La Cour de cassation précise aussi que la cour d’appel n’était pas tenue de se prononcer sur des pièces que ses constatations rendaient inopérante.
Enfin, la Cour de cassation estime que la juridiction du second degré a, à bon droit, déduit que les propos incriminés reposent sur une base factuelle suffisante et demeurent mesurés de sorte que le bénéfice de la bonne foi est accordé à la journaliste indépendante.