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Monsieur Louis-Meyer Rothschild, un négociant, a soumis une requête au tribunal civil de la Seine afin d'obtenir l'autorisation de poursuivre en justice le sieur Larcher, qui avait été proposé au bureau de la poste restante, ainsi que le directeur général de l'administration des postes, en tant que personnes légalement responsables. Monsieur L-M Rothschild réclamait conjointement une condamnation de ces deux parties à lui verser la somme de 30 000 francs. Cette demande faisait suite au fait que le préposé de la poste avait remis une lettre destinée à L-M Rothschild au sieur G. Rothschild, contenant des diamants. En outre, Monsieur Rothschild cherchait à obtenir réparation pour le préjudice subi et les pertes résultant de cet incident.
Le préfet du département de la Seine a pris la décision de soulever une question de compétence, en mettant en avant un conflit d'attribution dans une affaire déjà en cours devant la Cour Impériale de Paris, impliquant les parties précédemment mentionnées. L'administration des postes a argumenté que le tribunal saisi devait se déclarer incompétent, car il incombait à l'autorité administrative de statuer sur une telle demande, étant donné que celle-ci avait pour conséquence de mettre en cause la responsabilité financière de l'État. Un jugement prononcé le 15 mars 1855 a effectivement entériné l'incompétence du tribunal, ce à quoi Monsieur Rothschild a réagi en interjetant appel devant la Cour Impériale de Paris.
déterminer la compétence de la juridiction pour statuer sur la demande de Monsieur Rothschild (le tribunal civil ou autorité administrative, en l'occurrence, l'administration des postes).
Le conflit de compétence portait sur le fait de déterminer si la demande de dommages-intérêts, relevait du domaine du droit administratif ou du droit civil
Le Conseil d'État a rappelé qu'il était du ressort des tribunaux de statuer sur les actions dirigées contre les agents des administrations des postes lorsqu'il s'agit de "faits qui leur sont personnels", à moins qu'une disposition de l'article 75 de la Constitution de l'An VIII ne s'applique. Cependant, les juges du Palais Royal ont immédiatement souligné que les fonctions judiciaires et administratives étaient distinctes et devaient rester séparées. En conséquence, la compétence pour juger de ces actions revenait exclusivement à l'Administration, sous l'autorité de la loi.
Il a été rappelé que c'était à l'Administration seule de déterminer l'ensemble des relations existant entre l'État, ses agents et les particuliers dans le cadre des services publics. Par conséquent, l'Administration seule pouvait "connaître et apprécier le caractère et l'étendue des droits et obligations réciproques" découlant de ces relations.
Puisque c'était à l'Administration de connaître de ces relations, il était impossible de les régir conformément au droit civil. Le Conseil d'État a souligné, avec une formule qui sera reprise plus tard dans l'arrêt Blanco, que la responsabilité de l'État en cas de faute, négligence ou erreur commise par un agent de l'administration n'était ni générale ni absolue. C'était donc à l'Administration seule d'apprécier les "conditions et la mesure" de cette responsabilité.
Le Conseil d'État a néanmoins rappelé que des lois spéciales existaient pour déroger au principe susmentionné, mais seulement lorsque l'objectif était de constituer l'État comme débiteur. Cependant, ces exceptions étaient limitées aux dispositions des lois spéciales et ne pouvaient pas être étendues par assimilation ou analogie.
La portée de l'arrêt Rothschild est la suivante :
1. Irresponsabilité de l'État : L'arrêt a confirmé le principe que l'État ne pouvait pas être tenu civilement responsable des actes de ses agents dans le cadre des tribunaux civils, sauf dans les cas prévus par des lois spéciales.
2. Compétence de l'Administration : Il a établi que les litiges impliquant des actes administratifs et la responsabilité de l'État devaient être tranchés par l'administration elle-même, et non par les tribunaux civils.
3. Principe du droit administratif : L'arrêt a renforcé la distinction entre le droit administratif et le droit civil en France. Il a confirmé que les affaires impliquant des actes administratifs devaient être examinées par les juridictions administratives compétentes, conformément aux lois spéciales régissant le droit administratif.