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Dans cette affaire, une jeune fille: Agnès Blanco, est gravement blessée après avoir été heurtée par un wagonnet conduit par quatre ouvriers travaillant dans une manufacture de tabac. En 1871, l'État était en charge de la fabrication et de la commercialisation du tabac en tant que service public.
Le père de l'enfant, déterminé à obtenir réparation pour le préjudice subi, a intenté une action en responsabilité contre l'État devant les tribunaux judiciaires, qui établissent les fondements de la responsabilité civile.
Cependant, un problème majeur s'est posé dans cette affaire, car à cette époque, la responsabilité de l'État n'était pas clairement réglementée par des textes de loi. En vertu du principe de non-immixtion du juge civil dans les affaires de l'Administration, sauf de rares exceptions (comme les voies de fait), l'État était considéré comme irresponsable. Cela avait été établi dans des arrêts antérieurs, tels que le célèbre arrêt "Rothschild" du Conseil d'État du 6 décembre 1855 et l'arrêt "Carcassonne" du 20 février 1858.
Le préfet de la Gironde, agissant au nom de l'État, a soutenu que le litige ne relevait pas de la compétence des tribunaux judiciaires, mais de la juridiction administrative, et a donc demandé au tribunal civil de se déclarer incompétent. Lorsque le tribunal civil de Bordeaux a refusé de le faire, le préfet a pris un arrêté de conflit, une décision obligeant le juge judiciaire à suspendre l'affaire jusqu'à ce que la question de la compétence soit résolue. C'est ainsi que le différend a été porté devant le Tribunal des conflits, l'instance compétente pour trancher les questions de compétence.
Quelle est la juridiction compétente pour connaître de ce litige ?
Il est nécessaire de déterminer si les fautes commises par des employés d'un service public sont de la responsabilité de l'Etat ?
Le Tribunal des conflits affirme que l'État est responsable des erreurs commises par ses agents dans le cadre d'un service public. Cependant, la décision va préciser que cette responsabilité n'est pas de nature civile, l'État ne peut pas être soumis aux principes énoncés dans le Code civil.
Selon le Tribunal des conflits, la responsabilité de l'État doit suivre un régime spécifique qui répond aux exigences du service public, donnant naissance à ce que l'on appellera plus tard l'autonomie du droit administratif. Cela a été une grande victoire pour les spécialistes du droit public.
Le Tribunal des conflits confirme la compétence des juridictions administratives pour traiter les actions en réparation intentées contre l'État, en ce qui concerne les dommages causés par les services publics aux particuliers.
L'objectif est de parvenir à un équilibre entre les intérêts de l'État et les droits des citoyens privés.
L'arrêt Blanco a marqué le droit administratif, en établissant un lien entre le droit administratif et la compétence des juridictions administratives.
Dorénavant, la compétence des tribunaux administratifs découle de l'application du droit administratif au litige en question. On résume souvent cette notion en disant que "la compétence suit le fond".
Plus précisément, la compétence du juge administratif est conditionnée par le critère du service public, désignant une activité exercée par l'Administration ou sous sa responsabilité dans l'intérêt des citoyens. Que ce soit dans le domaine de l'éducation, de la santé, des transports publics ou de la distribution d'électricité, tout contentieux lié à une faute commise dans le cadre d'un service public relève de la compétence du juge administratif.
En fin de compte, l'arrêt Blanco a apporté de nombreuses contributions importantes :
l'État et ses services publics ne sont pas soumis au droit civil
abolition du principe d'irresponsabilité de l'État concernant les fautes commises par ses employés d'un service public
l'État n'assume pas une responsabilité civile, mais une responsabilité administrative
seul le juge administratif est compétent pour traiter d'affaire administrative